Comment éduquer un chat (avec la bonne méthode) ?

Dans le cadre du colloque L’animal en marche, Daniel Filion, fondateur d’un réseau de comportementaliste félins au Québec, répond dans cette interview à la question :

Comment éduquer un chat ?

La France12,7 millions de chats, loin devant les 7,3 millions de chiens. Les félins domestiques sont devenus les animaux domestiques n°1 de nos foyers. Pourtant, le chat reste un grand inconnu au comportement souvent mystérieux ! Lors de son intervention au colloque, Daniel Filion expliquera que le chat, animal anti-conformiste par excellence, la méthode d’éducation doit être plus subtile qu’avec le chien… mais elle peut être efficace !

Déjà, peut-on éduquer un chat ?!

N’est-ce pas un vœu pieu, tant ces adorables petites bêtes sont indépendantes et ont un rapport à l’humain très différent du chien ?

Daniel Filion : Non, ce n’est pas un vœu pieu. Mais il faut comprendre pourquoi la majorité des gens croit cela.
Je m’amuse souvent à l’expliquer en disant que si demain, une catastrophe apocalyptique devait faire disparaître les humains sur Terre, la très grande majorité des races de chiens disparaîtraient en quelques années, tellement elles sont devenues dépendantes de l’homme. Les chats eux… eh bien, ils deviendraient probablement les maîtres du monde ! Le chat n’a pas besoin de l’homme pour survivre. Mais cette indépendance ne doit pas être prise pour une impuissance à pouvoir les éduquer. C’est une question de motivation. Là où la présence de son propriétaire suffit souvent à récompenser un chien, le chat, lui, demandera une récompense plus concrète. Auparavant, la plupart des gens utilisaient les méthodes de « dressage » classiques utilisées chez le chien pour tenter d’éduquer un chat. Or, le chat n’a pas cette résilience*, et cette tendance à se conformer par la punition. Si une méthode ne lui rapporte rien, et qu’en plus elle est désagréable, elle ne fonctionnera pas sur un chat. Voilà pourquoi nous avons longtemps eu et avons encore cette perception d’impuissance face à l’éducation des chats, simplement parce que nous n’avions pas la bonne méthode.  L’arrivée des méthodes en renforcement positif a changé tout ça et aujourd’hui un chat peut être facilement éduqué et entraîné. Il suffit simplement d’abandonner le fameux vaporisateur d’eau comme outil d’éducation !

Le chat n’a pas besoin de l’homme pour survivre

* La résilience émotionnelle chez l’homme est la capacité à faire face à des expériences de vie stressante, des frustrations, des défis d’une manière réaliste et pratique, qui contribue à garantir l’estime de soi, à éviter l’amertume, la colère, et même la dépression et à construire des aptitudes sociales. La résilience émotionnelle acquise très tôt dans la vie aide à se remettre des désarrois et des contrariétés, favorisant ainsi la santé émotionnelle.

Que faire contre les problèmes récurrents de malpropreté ou d’agressivité ?

Les « problèmes » de comportement chez le chat sont très souvent récurrents : malpropreté, stress, agressivité.
Le vrai problème, n’est-ce pas l’humain dans le couple humain/chat ?
Que constatez-vous en la matière en tant qu’éducateur ?

DF : Le réel problème, c’est que les gens croient que l’on peut simplement adopter un chat, l’amener à la maison et appuyer sur le bouton « on », et ne plus avoir à s’en occuper de sa vie. Très peu de gens connaissent les besoins environnementaux du chat et savent que des éducateurs félins existent pour régler des problèmes de comportement. Ils sont alors abandonnés ou même parfois euthanasiés pour un simple problème de pipi en dehors de la litière, qui aurait pu être réglé simplement en ajoutant ou en déplaçant la litière. Le second problème est le fait que le chat n’a pas vraiment de « valeur ». Lorsque l’on a qu’à ouvrir la porte et adopter le premier chat errant sans avoir fait de recherche ou s’être investi dans son choix,  il ne faut pas s’étonner que les gens ne soient pas prêt à dépenser beaucoup de temps et d’argent pour régler un problème de comportement félin. Je crois heureusement que c’est en train de changer. En dix ans de carrière, j’ai déjà vu une énorme amélioration, et c’est justement pour ça que j’adore les évènements comme le colloque « l’Animal en marche », qui amène les gens à en connaître plus sur les chats.

Est-ce le propriétaire du chat qui doit être éduqué ?

Le propriétaire est-il finalement plus difficile à éduquer que le chat à problèmes ? Quelle est votre méthode ?

DF: Justement parce que le propriétaire ne s’attendait pas à avoir de problème avec son chat, il est beaucoup moins enclin à accepter certaines solutions. Il faut donc trouver des moyens pour simplifier au maximum les solutions, mais surtout trouver la façon que les propriétaires acceptent d’appliquer cette solution. Croyez-moi c’est presque un art ! Lorsqu’on doit convaincre « Monsieur » qu’une litière supplémentaire devrait être placée à l’endroit où le chat fait ses besoins sur le tapis, qui se trouve tout juste au côté de son canapé préféré, il faut savoir comment s’y prendre. Leur dire simplement de le faire ne donnera rien. Mais si on leur explique qu’une possible cause du comportement vient du fait qu’un chat cherche à séparer l’endroit où il fait ses pipis de ses selles, le lui prouver en lui faisant observer que, dans sa litière actuelle, les pipis sont d’un côté et les selles de l’autre… Là c’est beaucoup plus facile de le convaincre, car il comprend le besoin du chat et les gens adorent comprendre pourquoi leur chat fait ce qu’il fait. Il faut exploiter cette curiosité et s’en servir pour améliorer la relation propriétaire/chat.

 

Quelques conseils pour les propriétaires de chats

Quels conseils pratiques et généraux pourriez-vous donner à un propriétaire qui vous lirait et qui aurait des problèmes avec son chat ?

DF :

  1.  Tout problème de comportement peut avoir une cause médicale. Il faut éliminer la cause médicale possible en consultant d’abord son vétérinaire.
  2. Le taux de résolution pour des problèmes de comportement félin est d’environ 85%, et comme la majorité des problèmes est liée à l’environnement, c’est souvent très facile de les régler.
  3. Ne consultez pas « Dr Google» ou les conseils « d’amis-qui-ont-eût-des-chats-toute-leur-vie » pour régler un problème de comportement félin. Le nombre de mauvaises techniques qui aggraveraient votre cas y est incroyablement élevé.
  4. Fiez-vous plus a des sites de comportementalistes reconnus (vérifier la réputation et surtout le niveau de formation des éducateurs félin, car il y a beaucoup d’improvisation dans notre domaine) et surtout, sachez que chaque cas est différent, et qu’il faut souvent appliquer une variante spécifique à une solution générale pour que le problème se règle complètement. Une consultation est souvent la façon la plus efficace de bien régler un problème…
  5. Surtout, n’attendez pas ! Le chat étant un animal routinier, attendre peut permettre à un comportement de s’enraciner, et il devient alors plus difficile de le changer.
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